La lecture de caractère sémiotique |
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Elle ne suscite plus l'étonnement, je l'espère, bien que sa place demeure marginale dans l'institution universitaire et son existence fragile. N'oblige-t-elle pas à penser autre chose que la relation d'exactitude du texte à ses références historiques ? Rappelons en effet que cette lecture privilégie la fonction signifiante du texte sur sa fonction référentielle. Celle-ci n'est pas oubliée, elle demeure cachée dans la première, car c'est de ce que dit le texte que nous pouvons apprendre quelque chose de son contexte : celui-ci reste bien le champ commun aux disciplines exégétiques, mais depuis toujours travaillé, labouré, ensemencé par le langage. Il serait donc vain de prétendre retrouver ce champ avant sa saisie par le langage. Pour autant, la sémiotique n'entre pas directement dans la critique de la vérité historique du texte, encore que l'univers signifiant exposé par cette méthode puisse servir à la juste postition des problèmes historiques. Oserons-nous ajouter que ce que le commentaire perd en matière de vérification, il le gagne en révélation de ce qui, de toute façon, n'est pas vérifiable : l'invisible du réel, c'est-à-dire ce qui échappe au savoir mais parle au coeur de l'homme. La recherche sémiotique, parce qu'elle est tournée vers l'exposition organisée de la signification, prend son élan de l'acte d'énonciation qui donne sens à la langue particulière du texte. Cet acte est à distinguer des intentions de l'auteur. Ce dernier ne maîtrise pas la parole qui le traverse, il s'étonnera toujours de ce que le langage l'amène à dire. On entendra ici par énonciation la force logique qui fait du récit un ensemble cohérent et de ses membres, fussent-ils d'origines disparates, un corps de signification. C'est par cette énonciation que l'écriture peuple le texte d'acteurs, les installe dans l'espace et le temps, leur assigne des rôles, décrit leurs actions et passions, les valeurs qui les animent et les oppposent, enfin les juge de son point de vue. Ce qui n'a jamais été dit ni figuré en un autre texte et s'organise autour d'un secret parabolique - le mystère du Royaume des Cieux -, telle est la vérité singulière qui oriente l'acte d'écrire. A l'écriture du texte s'efforce de correspondre la lecture, à son énonciation sa ré-énonciation, sur la base du rapport de la parole à l'écoute. L'écoute est insondable, elle ne sait pas d'avance ce qui lui sera révélé. A la mesure de son attente travaille la lecture besogneuse. Si l'écoute est inépuisable, la lecture est toujours à reprendre, inlassablement soutenue par le désir de faire advenir au langage la cause de l'humain. De cette cause, le texte est la promesse et la lecture le recueillement. Sinon, pourquoi lirait-on ? François Genuyt |
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